vendredi 10 janvier 2020

Le souvenir

Le coeur a ses raisons que la raison ne connait pas.

Le coeur se gonfle et son battement s'arrête le temps d'un instant, le souffle coupé. C'est lui. C'est encore lui, ce souvenir. Il est là, moi plongée dans l'infini de son regard, en silence, et il est bien logé dans mon coeur, comme une âme qu'on recueuille en soi et qu'on oublie jamais, comme une ombre furtive qui passe au milieu de mes pensées, parfois, et laisse cette trace indélébile d'une douceur à laquelle j'aspire mais qui ne vient pas, prisonnière d'un seuil que je ne peux jamais franchir, arrêtée net dans mon élan, comme pétrifiée, le coeur plein d'espoirs inutiles qui ne s'envolent pas.

Et il ne reste plus que ce temps suspendu, dans une attente éternelle, se transformant en une douce patience qui espère sans y croire... Un visage, un moment qu'on oublie pas, un désir interminable, chérir avec son coeur et son âme, au-delà des jours qui se sont enfuis depuis longtemps déjà.

Et s'en impreigner, le respirer comme un air vif d'hiver à plein poumons comme ce vent de liberté auquel nul ne renonce, comme un appel dirigé vers cet impossible désir qui se rappelle à soi, pointe son nez à des moments inattendus, replonge dans ce noir mélange d'un passé qui ne s'efface pas. S'arrêter, l'instant de mettre le pied là où il faut aller, continuer, tout en gardant, par devers soi, ce moment chéri qui habite le coeur, le fait battre et trouver le courage d'avancer encore.

Un souvenir, voilà ce que c'est maintenant. Ce n'est plus que ça, et pourtant, son poids est lourd à mon coeur comme une brique qui tombe dans l'infini d'un profond lac sans fond agitant toujours la surface du lac de sillons de plus en plus larges. L'influence d'un moment d'impact dont on découvre et redécouvre le comment, ils ont, ces souvenirs, changé quelque chose d'essentiel en soi, un quelque chose auquel on s'est attaché, parfois sans s'en rendre compte, et qui une fois parti, vire le coeur à l'envers, car le passé est perdu, ne reviendra pas, et il ne reste que cette empreinte qui, au fond du coeur, continu, subtilement, de faire des vagues, nous ramenant en arrière chaque fois que la vague frappe la berge de notre conscience.

C'est le deuil. C'est le moment où le possible est devenu impossible. Ce chemin-là est barré, on ne peut plus s'y avanturer, mais on se souvient bien qu'il fut un temps où c'était dans le champ des possibles, qu'on pouvait imaginer la route qui y mène.

Aujourd'hui, c'est devenu un chemin sombre, cahoteux, où personne ne veut aller. C'est le chemin de ce qui meurt et s'éteint, de ce qui disparait dans la brume et ne revient pas. C'est là où le chemin s'arrête, continuant dans un ailleurs inaccessible au moment présent.